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Comment l’aéroport de Toronto a modernisé ses opérations informatiques en modifiant la relation client-fournisseur
Ce n’est un secret pour personne : partout au monde, les gens recherchent une expérience de voyage plus pratique et plus personnalisée. Les aéroports doivent donc s’adapter à cette évolution et répondre aux besoins du public. Voilà pourquoi l’aéroport international Pearson de Toronto s’est lancé dans une recherche qui a duré une demi-douzaine d’années — avec pour but de moderniser ses opérations et d’améliorer l’expérience passager. L’organisme a aussi utilisé une approche inusitée dans sa gestion des fournisseurs.
Exploité par l’Autorité aéroportuaire du grand Toronto (GTAA), l’aéroport Pearson de Mississauga, en Ontario, est le plus important du pays quant au nombre total de passagers (50 millions par année prépandémie). Les avions de plus de 30 compagnies aériennes s’envolent de l’aéroport vers plus de 180 destinations d’un bout à l’autre de la planète.
[ Read in English: “How Toronto’s airport modernized its IT operations by changing the vendor relationship” ]
Les services informatiques de l’organisme doivent donc fonctionner 24/7 à très hauts niveaux de disponibilité, fiabilité et sécurité. Ce qui n’était nullement le cas lorsque Martin Boyer s’est joint à l’organisme en tant que DSI il y a neuf ans, confie-t-il à CIO Canada.
Il y a six ans, la GTAA a donc retenu les services de la firme de conseil informatique Wipro afin d’améliorer ses opérations aéroportuaires par l’automatisation et l’intelligence artificielle. Le contrat se poursuivra jusqu’en 2025. Wipro a déjà réduit le nombre de fournisseurs de l’aéroport de 150 à 90 et les a tous réunis dans son propre contrat – procurant à la GTAA le responsable unique qu’elle désirait. Wipro a également assumé l’entière propriété de l’environnement informatique de l’aéroport et collaboré avec la GTAA à la préparation de son projet de modernisation.
La partie infrastructure de la transformation numérique a nécessité à elle seule quelque deux années de travail. Le résultat, dit Boyer : l’Autorité a connu, depuis 2016, une baisse de 94 % des pannes majeures de ses systèmes informatiques. L’organisme a également bénéficié de plusieurs améliorations à son service d’assistance :
- Une réduction de 38 % du délai moyen de résolution des problèmes depuis 2017.
- 5 800 tickets d’assistance autogénérés par le système de lecture CCP.
- 91 % des appels résolus dès la première demande.
- Une diminution de 38 % du temps de solutionnement des tickets et de leur passage à d’autres agents.
Défis majeurs : une infrastructure désuète et un volume de données en pleine croissance
Lorsque Martin Boyer s’est joint à la GTAA en tant que DSI il y a neuf ans, l’aéroport se débattait avec une série de systèmes informatiques et aéroportuaires disparates gérés par différentes entités. À cette époque, les fréquentes interruptions de services nuisaient à la fois à l’expérience passager et aux opérations de l’entreprise. « Lorsque je suis entré en fonction, dit Boyer, toute l’infrastructure semblait désuète et nous avions de gros problèmes de fiabilité ».
« Pour nous, la clé est avant tout la disponibilité du système. Si nous perdons — disons — le service de traitement des bagages ou celui du comptoir d’enregistrement, vous allez probablement voir ma photo à la une du Globe and Mail le lendemain. Si nous perdons un seul système, toutes nos opérations peuvent s’en trouver paralysées. »
« Lorsque nous avons amorcé le processus, je dirais que l’environnement était dans un pire état qu’on ne le pensait. On a évidemment eu de mauvaises surprises. C’est comme lorsque vous rénovez une maison : quand vous ouvrez les murs, vous découvrez souvent toutes sortes de problèmes insoupçonnés. »
De nombreux systèmes — le réseau lui-même par exemple — étaient en fin de vie utile. Lorsque Boyer et son équipe ont soulevé le capot de l’aéroport, ils y ont trouvé un moteur en bien piètre état. « C’est pour ça que la mise à niveau informatique a été plus longue et plus compliquée que prévu », dit-il.
Autre défi auquel il devait faire face : le volume et la diversité des données qui submergeaient l’aéroport à chaque seconde ; comment extraire les plus pertinentes et en tirer l’information dont l’entreprise avait besoin pour gérer ses opérations avec sécurité, efficacité et rentabilité ?
« Nous voulions recueillir encore plus de données pour pouvoir prendre de meilleures décisions. Mais c’est à ce moment-là que l’aéroport a connu une forte augmentation du nombre de passagers; nous étions tout simplement incapables d’accroître notre capacité informatique à ce rythme. Nous avions plus de voyageurs, plus de bagages, plus d’avions — et ce à chaque année. On ne pouvait pas traiter tout ça. Du côté affaires, le problème était de trouver comment gérer cette croissance sans avoir à construire une nouvelle aérogare. Il fallait devenir plus efficaces, et y parvenir par l’automatisation. »
Pour faire bouger les choses, la GTAA élabore un plan directeur et cherche à intégrer la gestion de ses trois principales entités : bagages, avions, voyageurs. Les objectifs sont multiples : assurer la solidité du système informatique et l’efficacité des opérations; offrir une meilleure expérience passager; fournir des informations de vol en temps réel et un embarquement à heure juste ; faciliter l’enregistrement des voyageurs et des bagages. « L’astuce, dit Boyer, c’était de s’assurer que tous ces processus soient coordonnés pour que les passagers vivent une expérience agréable et facile ».
Mais après avoir élaboré son plan, la GTAA s’aperçoit … qu’elle manque de bande passante pour l’exécuter. C’est là que l’entreprise se tourne vers Wipro et sa plateforme d’automatisation et d’intelligence artificielle Holmes.
Aujourd’hui, l’ensemble des technologies employées pour moderniser l’infrastructure informatique et les opérations aéroportuaires comprennent :
- Une ligne vocale et assistée par IA reliée au centre d’aide, permettant l’automatisation et la réduction des appels.
- La détection d’anomalies de l’approvisionnement au paiement (P2P), rendant possible le contrôle actif d’éventuelles irrégularités dans ces transactions.
- Un système de lecture de communications en champ proche (NFC) permettant aux employés de l’aéroport de signaler rapidement les problèmes d’entretien en tapant simplement les étiquettes NFC apposées sur l’équipement avec leurs téléphones portables (ou par lecture de codes QR pour les téléphones non compatibles), afin de créer des tickets d’assistance, accélérer la saisie de données et permettre la répartition automatique des activités d’entretien. Environ 85 % des tickets sont désormais émis de cette façon. « C’est un gain de temps incroyable pour les employés – ils n’ont plus à attendre au téléphone pour signaler un problème », dit Boyer.
Pourquoi la GTAA a confié son projet de transformation numérique à un seul fournisseur
Cette décision, prise avec son équipe dès le début, s’est révélée la bonne; c’est une pratique que d’autres DSI auraient avantage à envisager, dit Boyer — avant d’entreprendre tout grand projet de transformation numérique.
Beaucoup d’organisations optent pour une approche multifournisseur : un pour le réseau de données, un pour la grappe de serveurs, un autre pour les applications.
« Mais nous avons décidé d’y aller avec un fournisseur unique qui ferait tout pour nous. Cela nous a merveilleusement réussi car nous avons pu résoudre tous nos problèmes d’intégration et de communication entre les différents intervenants. »
Boyer a aussi décidé de changer la relation de la GTAA avec ses fournisseurs. « Avant, notre modèle consistait à leur dire quoi faire; ces entreprises, IBM par exemple, faisaient ensuite leur travail et nous envoyaient la facture ».
Aujourd’hui, la GTAA ne dit pas à Wipro quoi faire, mais ce qu’elle veut comme résultat. Le fournisseur est libre de choisir sa solution à condition qu’elle réponde à nos besoins — ce qui est très différent, explique Boyer.
« Nous les tenons responsables du résultat en vertu des accords de service. S’ils veulent réaliser le projet avec un seul serveur ou avec 2 000, ça les regarde. Je ne m’engage pas dans la façon dont ils satisfont la commande. Ça devient leur objectif d’optimiser l’environnement pour que tout fonctionne bien. »
Boyer souhaitait également avoir une relation différente avec ses fournisseurs. Dans un modèle d’externalisation classique, dit-il, le fournisseur essaie de vendre au client le plus de produits ou de services possibles, parce que c’est comme ça qu’il gagne le plus d’argent. L’objectif du client, quant à lui, c’est que ses activités fonctionnent le mieux tout en payant le moins cher possible. « Nous avons donc renversé la situation : une partie du contrat avec Wipro prévoit que nous les payons au passager embarqué, et non en fonction de leur service. Une autre partie de leur rémunération est à coût fixe. Ils font donc tout pour que l’aéroport fonctionne à merveille. » Plus il y a de passagers, plus nous avons du succès, et plus Wipro voit sa rémunération augmenter.
« Mais ça fonctionne aussi en sens inverse : pendant la COVID, alors que la clientèle s’est volatilisée, Wipro a dû encaisser comme nous le contrecoup. C’est comme ça que des partenaires travaillent. Je ferais le même contrat demain car notre relation a été très fructueuse — pour eux comme pour nous. »
La GTAA et Wipro collaborent aussi avec d’autres aéroports canadiens dans le cadre d’un programme baptisé « Vole Canada », destiné à tirer parti du pouvoir d’achat combiné de ces entreprises, dit Boyer. Il y a environ un an, la GTAA a ainsi décidé de remplacer tous ses guichets d’enregistrement et tous ses ordinateurs d’embarquement. Mais plutôt que de lancer son propre appel d’offres, elle a agit conjointement avec les aéroports de Montréal, Calgary et Edmonton.
« Croyez-moi, nous avons vraiment suscité l’intérêt des fournisseurs quand ils ont vu le nombre de passagers de nos aéroports. Notre avenir réside dans cette façon d’avoir des objectifs communs et de travailler ensemble — pour accroître notre efficacité et réaliser de plus grandes économies d’échelle. L’avenir, il est là ».
Traduction par Daniel Pérusse